Noms français des oiseaux du Monde

par la Commission internationale des noms français des oiseaux (CINFO)

composée de Pierre Devillers, Henri Ouellet, Édouard Benito-Espinal, Roseline Beudels, Roger Cruon, Normand David, Christian Érard, Michel Gosselin, Gilles Seutin

Éd. MultiMondes Inc., Sainte-Foy, Québec & Éd. Chabaud, Bayonne, France,
1993, 1re éd., ISBN 2-87749035-1

version PDF, 2,2 Mo

Introduction

La présentation d’une nomenclature française des oiseaux du monde est devenue une nécessité de plus en plus pressante afin de répondre aux besoins des auteurs et des traducteurs, ainsi qu’à ceux des rédacteurs des agences gouvernementales et des organismes nationaux et internationaux de toute nature. De plus, le métier ou le passe-temps amène de nombreuses personnes à visiter des contrées éloignées pour étudier les oiseaux, dont les noms français sont difficiles à trouver ou inexistants.

L’élaboration de listes régionales d’espèces, de même que les traductions à la pièce, ont favorisé la multiplication de nombreux vocables, souvent au détriment de noms français authentiques. Cela explique en grande partie les situations suivantes : des noms différents sont donnés à la même espèce, dans des régions différentes ou à des époques différentes ; le même nom désigne des oiseaux différents ; des oiseaux semblables qui occupent des régions éloignées portent des génériques différents, lesquels masquent leur étroite parenté ; un nom donné à une espèce conviendrait beaucoup mieux à une autre.

Cet ouvrage vise à répondre à ces besoins et à combler des lacunes évidentes. Il s’agit d’une référence dont le but premier est de fournir à l’utilisateur, quel qu’il soit, un nom français établi dans un cadre universel. Les orientations proposées ici, ainsi que le cadre du travail, réunissent les conditions susceptibles de favoriser les meilleurs choix terminologiques, propres à stabiliser un usage à l’échelle mondiale.

La Commission internationale des noms français des oiseaux

La réalisation de cet ouvrage doit beaucoup au Projet de nomenclature française des oiseaux du monde, publié en neuf fascicules par Pierre Devillers dans la revue Le Gerfaut entre 1976 et 1980. Bien que tous les oiseaux du monde n’aient pu être couverts ce travail a démontré qu’il était possible d’établir une nomenclature française à la fois élégante et fonctionnelle et qui satisfait aussi aux exigences imposées par la rigueur scientifique (ornithologique comme linguistique).

À l’occasion du XIXe Congrès ornithologique international, tenu en juin 1986 à Ottawa, au Canada, les ornithologues de langue française, réunis autour de Pierre Devillers, ont souligné l’urgence de voir paraître une liste des noms français des oiseaux du monde et ont exprimé à ce dernier un appui non équivoque en vue de l’achèvement du projet. Depuis ce moment, Normand David s’est attaqué à la tâche de réunir sur support informatique les éléments nécessaires à la production d’une liste préliminaire complète.

En décembre 1990, lors du XXe Congrès ornithologique international, tenu en Nouvelle-Zélande, le Comité ornithologique international a créé la Commission internationale des noms français des oiseaux, et lui a confié le mandat de préparer une liste des noms français des oiseaux du monde. La Commission a été placée sous la coprésidence de Pierre Devillers, de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, et de Henri Ouellet, du Musée canadien de la nature. Réunis à Bruxelles du 21 au 26 août 1991, les membres de la Commission ont révisé la liste préliminaire et se sont entendus sur l’ensemble des noms.

Les noms techniques français

Les noms français contenus dans cet ouvrage sont des noms techniques, par opposition aux noms populaires, ou communs, utilisés spontanément dans la langue de tous les jours.

Dans plusieurs disciplines de la zoologie, les noms scientifiques, latins, attribués selon les règles du Code de nomenclature zoologique, forment la seule nomenclature technique. En ornithologie, en raison du nombre relativement restreint d’espèces, les spécialistes utilisent souvent des noms français à côté des noms latins. Il arrive souvent aux profanes d’utiliser l’expression « noms savants » pour désigner ces noms français, indiquant par là qu’ils voient intuitivement une différence entre ces noms et ceux qu’ils utilisent dans la langue courante.

Si les ornithologues disposaient d’un vocable populaire français pour chacune des quelque 10 000 espèces d’oiseaux, une liste composée de termes simples serait parfaitement concevable : le colvert, le balbuzard, l’hirondelle, le goglu, etc. Ce n’est cependant pas le cas. Les noms populaires dont on dispose ne coïncident pas souvent avec l’espèce, l’unité fondamentale en biologie. La langue usuelle utilise le terme hirondelle pour désigner un type d’oiseau, au sein duquel les ornithologues distinguent plus de quatre-vingts espèces différentes, d’où la nécessité d’employer des termes complexes (Hirondelle bicolore, Hirondelle de rivage, etc.).

Les noms techniques français qui désignent des espèces d’oiseaux sont donc des syntagmes terminologiques composés d’un générique (le déterminé) et d’un spécifique (le déterminant). Ce dernier revêt des formes grammaticales diverses : épithète (Macreuse noire), nom en apposition (Balbuzard pêcheur) complément déterminatif (Bécassine des marais), syntagme prépositionnel (Eider à tête grise).

C’est pourquoi les noms établis dans cet ouvrage respectent le caractère fondamentalement binominal que les premiers naturalistes francophones de l’ère linnéenne ont conféré à la nomenclature française des oiseaux. Les constructions à trois niveaux comme « Martinet épineux à croupion blanc », ou « Tyran pie-grièche à ventre roux » n’ont donc pas été retenues. La concision qui en résulte constitue un avantage certain.

On notera enfin que les noms techniques français sont assimilés à des noms propres, prenant la majuscule selon les règles ordinaires du français (Petite Buse, Buse variable). Cette majuscule particularisante permet d’éviter la confusion entre le nom technique et le nom commun. L’expression « petite buse  », appartient au domaine de la langue commune et ne peut signifier autre chose qu’une buse de petite taille. Sous la plume des ornithologues, le nom « Petite Buse » désigne une espèce particulière et unique (Buteo platypterus).

Le choix des noms français

Pour les espèces déjà traitées par Pierre Devillers dans le Projet de nomenclature française des oiseaux du monde, la Commission s’est efforcée de retenir le plus souvent possible les noms qu’il avait proposés. Pour les autres espèces, on a cherché à reprendre les noms utilisés dans les ouvrages contemporains de langue française consacrés aux avifaunes régionales [voir bibliographie française] et on a également puisé chez les auteurs classiques (Buffon, Levaillant, Brisson, Vieillot et Lesson, entre autres). En l’absence de vocables proposés par des auteurs français, il a fallu établir des noms nouveaux, soit en les tirant d’ouvrages traduits en français, soit en les créant de toutes pièces.

Évidemment, il a fallu faire des choix entre les synonymes trouvés dans les nomenclatures existantes, et aussi entre les vocables de valeur égale qu’on peut appliquer aux espèces pour lesquelles un nom nouveau est proposé. Si l’objectif poursuivi était de retenir le nom le plus approprié pour chaque espèce, il fallait également veiller à la concision et à l’euphonie des noms, les attributs qui en font des outils adaptés aux besoins modernes de la communication. À cet égard, « Méliphage des Nouvelles-Hébrides  » le nom le plus long de la liste, demeure bien en deçà des limites de l’inacceptable, tandis que la transcription des termes empruntés aux langues étrangères visait à leur donner une sonorité française.

De façon générale, les noms retenus tendent à respecter les principes énumérés ci-dessous. Comme le choix des génériques français est d’une importance primordiale, la Commission s’est longuement attardée à cet aspect dans ses travaux, et c’est pourquoi les considérations qui en régissent la détermination sont expliquées brièvement.

Les génériques

• Autant que possible, un générique est appliqué à un groupe d’espèces apparentées.

Dans les nomenclatures existantes certains noms sont appliqués à des espèces appartenant à des catégories taxinomiques non apparentées. Ces emplois sont donc ambigus et susceptibles d’engendrer la confusion auprès des non-initiés. Dans le présent ouvrage, on a donc rigoureusement éliminé les emplois polyphylétiques c’est-à-dire les homonymes. Ainsi, le générique Gros-bec a été restreint à un groupe particulier, celui auquel appartient l’oiseau à qui le terme gros-bec doit son origine. Les limites imposées aux génériques Gobemouche, Fauvette et Pinson, entre autres, trop souvent employés comme passe-partout, répondent au même souci.

L’extension du générique demeure très variable : de l’espèce unique à l’ordre entier. De nombreux termes ont toujours servi à désigner un groupe d’espèces dont l’aspect est homogène (Cormoran, Pic, Hirondelle, etc.), et dont la systématique a confirmé l’étroite parenté. À l’opposé, d’autres termes n’ont été appliqués qu’à une seule espèce (Balbuzard, Harfang, Bateleur, etc.). Pour certains groupes, il existe de nombreux génériques ; il en résulte un morcellement plus ou moins poussé qui tient compte de l’usage, reflète la diversité morphologique ou comportementale, et souvent aussi les subdivisions de la systématique. À l’opposé, l’homogénéité de certains groupes est mieux exprimée par un générique unique.

Même si les génériques français ne reproduisent pas fidèlement les niveaux de la classification scientifique, on doit faire remarquer qu’ils ne doivent pas trahir la systématique en suggérant des parentés fausses ou qui n’existent simplement pas. Selon les besoins de l’expression, on peut donc appliquer des termes différents à des groupes d’espèces du même genre (Verdier, Tarin, Chardonneret, Linotte et Sizerin pour Carduelis), appliquer le même générique (Grèbe) à des espèces appartenant à plusieurs genres apparentés, ou même étendre un générique (Mésange) aux membres de familles voisines.

L’application de cette orientation tolère quelques exceptions en raison de situations particulières. Le maintien de termes connus, motivé par un usage incontournable, entraîne parfois des divisions encore artificielles (Sarcelle et Canard pour Anas ; Corbeau et Corneille pour Corvus ; Mouette et Goéland pour Larus). Chez quelques groupes très vastes, où la systématique n’a pas encore démêlé les affinités de leurs membres, un générique s’applique à la plupart des espèces et des génériques différents désignent des groupes particuliers.

• Un terme bien connu et utilisé dans le public a avantage à être étendu aux espèces apparentées et semblables à l’espèce à l’origine de ce terme.

Certains termes sont tellement connus qu’ils deviennent indispensables pour faciliter la communication des notions. C’est pourquoi des noms comme Colapte, Rhodostéthie et Cynchrame ont cédé le pas, à l’usage, à Pic, Mouette et Bruant. L’extension donnée aux termes Aigle et Paradisier, par exemple, relève de la même orientation.

• Les espèces apparentées et fortement caractérisées (par la silhouette, la coloration, le comportement ou la voix, entre autres) ont avantage à recevoir un générique particulier.

Contrairement à l’orientation précédente, qui ouvre la voie au « genre large », le respect de l’usage ou d’un vocabulaire riche entraîne le morcellement de certains groupes (Cuculidae et Sturnidae).

• Des génériques particuliers, même longs ou peu euphoniques, demeurent indispensables pour désigner des groupes dont les affinités sont incertaines ou inconnues.

En l’absence de conclusions sûres sur les affinités d’un groupe ou d’une espèce, un générique particulier est commode car il sera toujours valable, peu importe la position définitive du groupe dans une classification ultérieure.

Les spécifiques

• Maintenir l’usage prépondérant actuel est primordial, mais pas absolument nécessaire.

• Aucun type de nom (éponymique, géographique, onomatopéique, descriptif) n’est éliminé systématiquement, ni n’est recherché systématiquement.

• Les vocables français authentiques, y compris les noms des auteurs anciens, sont généralement préférables aux traductions de noms étrangers.

• Les espèces propres à une région devraient recevoir le nom en usage dans les ouvrages français consacrés à cette région.

• Un nom dont l’usage est ancré ne devrait être modifié que s’il est erroné et que s’il peut être remplacé par un nom évidemment supérieur.

• Autant que possible, un nom appliqué à une espèce doit rester vrai pour toutes les populations qui la composent.

• À condition d’éviter les calques fautifs, il est utile de transcrire ou de traduire en français le spécifique latin ou celui d’une langue étrangère.

• Il faut accepter que des vocables imparfaits subsistent parce que des usages ancrés pour des espèces d’avifaunes locales sont incontournables.

Présentation de l’ouvrage

Le corps de l’ouvrage est constitué de la liste des noms français. Chaque espèce est désignée par un nom latin, précédé d’un numéro séquentiel. Cette numérotation, qui n’a aucune portée systématique, a pour seule fonction de faciliter les recherches à partir des index.

Pour les non-passereaux, la séquence des ordres et des familles suit largement celle établie par Storer (Classification of Birds, in Farner, D. S. et J. R. King, 1971. Avian Biology, vol. 1, p. 1-18). Pour les passereaux, elle suit largement celle établie par Sibley et Monroe (Distribution and Taxonomy of Birds of the World, Yale University Press, 1990).

La liste inclut les espèces énumérées par Sibley et Monroe (1990), les espèces décrites plus récemment, ainsi que quelques taxons additionnels reconnus au rang d’espèce. À titre de renseignement complémentaire, il a été jugé utile de fournir un nom français approprié pour un certain nombre de taxons considérés comme des sous-espèces par la majorité des auteurs contemporains ; ces taxons sont inscrits sous l’espèce à laquelle on la rattache généralement et leur nom latin comprend l’abréviation du nom spécifique de cette dernière.

De nos jours, une part importante des ouvrages sur les oiseaux est publiée en langue anglaise. Afin de permettre à l’utilisateur d’établir une correspondance entre les noms anglais en usage et l’équivalent français retenu dans cet ouvrage, le répertoire des noms anglais rassemble les noms anglais trouvés dans les références contemporaines. La liste de ces ouvrages apparaît en annexe.

L’utilisation de ce répertoire nécessite quelques mises en garde. Étant donné les nombreuses différences dans la façon d’écrire et d’indexer les génériques anglais (Pond Heron, Indian ; Heron, Indian Pond ; Pond-Heron, Indian), les noms sont indexés dans l’ordre alphabétique de leur forme complète (Indian Pond Heron). On notera également que les variantes d’un même mot (Malay, Malayan, Malaysian) n’ont pas toutes été répertoriées ; en revanche, les orthographes américaines gray et colored ont été retenues pour les espèces du Nouveau Monde, alors que les orthographes anglaises grey et coloured ont été retenues pour les espèces des autres régions. Il faut remarquer enfin qu’il arrive que le même nom anglais soit utilisé pour désigner deux, trois, ou même quatre espèces différentes ; dans ces conditions, si l’on ne dispose que du nom anglais lorsqu’on recherche son équivalent français, l’établissement de la correspondance demeurera aléatoire. Des précisions additionnelles sur l’oiseau en question (nom latin, répartition, groupe taxinomique) seront requises pour conclure la recherche. De façon générale, la recherche d’un équivalent français est toujours plus rapide et plus sûre si l’on dispose du nom latin.

L’index des noms français comprend tous les noms français retenus dans le corps de l’ouvrage, ainsi que les synonymes trouvés dans les références françaises contemporaines ou les traductions couvrant les régions où la langue française est en usage. La liste de ces ouvrages apparaît en annexe. De nombreux autres ouvrages traduits en français ont été consultés pour l’élaboration de cette liste, mais les noms qu’on y trouve ne figurent pas dans l’index.

La grande majorité des noms génériques français sont du genre masculin. Les génériques du genre féminin sont signalés dans l’index par l’abréviation « f. » placée entre crochets à côté de chacun. En cette matière, l’usage est encore hésitant pour un certain nombre de termes. La convention qui voudrait que le nom français transcrit depuis le nom scientifique conserve le genre qu’il a en latin demeure certes utile. Il faut cependant observer que l’usage actuel ne se conforme pas toujours à cette convention. Entre autres exemples, on peut mentionner que le terme « cisticole  », est maintenu au féminin, en conformité avec l’usage prépondérant actuel, bien que, techniquement, Cisticola soit maintenant du genre masculin (voir genre des noms techniques).

L’index des noms latins comprend tous les noms scientifiques qui figurent dans le corps de l’ouvrage, ainsi qu’un grand nombre de synonymes utilisés dans les références contemporaines. Les règles qui régissent l’application des noms scientifiques latins aux espèces sont fort complexes. À l’intention des personnes non initiées, il faut surtout signaler que le spécifique latin, lorsqu’il s’agit d’une épithète, s’accorde avec le générique selon les règles du latin (masculin, féminin, neutre), mais qu’il est invariable dans le cas d’un nom en apposition. Or il arrive souvent que des auteurs n’indiquent pas l’accord requis, de sorte que, si l’on ne trouve pas le générique recherché sous un spécifique (eximia, par exemple), il serait avisé d’aller voir sous les autres formes du même mot (eximius, eximium).